Les observatoires du genre en Afrique de l’Ouest, des acteurs clés pour l’égalité

De nombreux cadres régionaux et internationaux tel que le Protocole de Maputo, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ou encore la Stratégie et le Plan d’action genre 2020-2030 de la CEDEAO incitent les États à collecter des données, produire des rapports sur les inégalités de genre au niveau national et à prendre des mesures concrètes pour éliminer ces discriminations. Dans plusieurs pays d’Afrique, l’émergence d’observatoires du genre traduit une volonté croissante des États et de leurs partenaires de renforcer l’action publique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Du Sénégal à la Mauritanie, en passant par la Guinée, la Côte d’Ivoire ou encore le Tchad, leurs créations, plus ou moins récentes, marquent une nouvelle étape dans l’institutionnalisation des enjeux de genre sur le continent.

Implantation des observatoires du genre : des modèles institutionnels divers en Afrique de l’Ouest

Tandis que certains relèvent de la primature comme au Tchad, en Mauritanie ou en Côte d’Ivoire, d’autres dépendent du ministère du genre, comme en Guinée ou encore au Sénégal avec lesquels ils travaillent en étroite collaboration.

Au Sénégal, suite à sa création en 2011, l’Observatoire National de la Parité (ONP) a d’abord été rattaché à la présidence de la République. Son ancrage institutionnel à la présidence de la République visait à lui conférer un positionnement stratégique, à le soustraire des contraintes de la tutelle ministérielle et lui assurer l’indépendance requise pour exercer son rôle de contrôle. Au lendemain de la troisième alternance intervenue en avril 2024, le chef de l’État a pris la décision de rattacher l’ONP au Ministère de la Famille et des Solidarités afin de renforcer la synergie entre les deux mécanismes de promotion du genre. Un rattachement à une institution stratégique, comme par exemple la Primature ou la Présidence, permettrait de renforcer l’objectivité, la légitimité et l’impact de l’observatoire.
Moussa Élie Ndong
Directeur de la planification et du suivi-évaluation de I'ONP du Sénégal

Cette diversité d’ancrage institutionnel des observatoires du genre a une incidence directe sur leur influence, leur impact, leur pérennité et leur capacité de coordination au niveau national et régional. Un ancrage fort apporte aux observatoires du poids, de la visibilité et permet de faciliter le travail transversal avec les ministères sectoriels. Un positionnement fort au niveau national favorise également une portée et une coordination au niveau régional

 

 

Des missions communes mais des priorités différentes sur le suivi de l’égalité

Si leurs mandats, leurs statuts et leurs réglementations varient, leurs principales missions communes restent de structurer la collecte de données, d’évaluer et de suivre les politiques publiques, de sensibiliser et de renforcer les engagements en faveur des droits des femmes. Si les enjeux sont communs, les priorités diffèrent. Les missions s’adaptent aux contextes nationaux et à leurs réalités. L’observatoire du Sénégal s’intéresse ainsi particulièrement à la parité politique, celui de la Guinée aux VBG et à la protection sociale, celui de la Côte d’Ivoire se focalise actuellement sur les violences électorales et les quotas pendant que le Tchad travaille sur l’approche multisectorielle et la Mauritanie sur la participation politique des femmes.

En Côte d’Ivoire, l’Observatoire National de l'Équité et du Genre (ONEG) a aussi pour ambition de renforcer les capacités de tous les acteurs intervenants dans le domaine de l’égalité de genre et nous voulons être un instrument de coopération avec les autres observatoires régionaux et internationaux opérant dans le domaine de l’égalité de genre
Docteur Bessie Baudelaire Baudry
Sociologue et assistant chargé des études et de la recherche à l’ONEG de Côte d’Ivoire

Des défis à relever pour renforcer le rôle des observatoires du genre

Si le potentiel d’impact des observatoires semble important, les observatoires peinent à jouer pleinement leur rôle et mener à bien leurs missions dans la plupart des pays. Les raisons sont multiples mais le manque de moyens, tant humains que financiers semble être le point de blocage principal. Les observatoires sont souvent soutenus financièrement par les partenaires techniques et financiers, plus que par les gouvernements, et cela peut compromettre leur crédibilité et la durabilité de leurs actions. Le personnel manque généralement de formation, en particulier en matière de suivi-évaluation qui est pourtant essentiel pour garantir la collecte et la production de données fiables ainsi que leur analyse et leur promotion pour contribuer à alerter sur la situation actuelle et l’évolution des inégalités de genre et des violences basées sur le genre dans chacun des contextes.

L’accès en tant que tel à des données fiables et désagrégées demeure également un défi pour de nombreux observatoires qui sont pour certains confrontés par exemple à l’absence de bases de données multisectorielles. Une coordination entre les OSC, les institutions publiques et les partenaires techniques est souvent encore fragile et les synergies à renforcer.

Avec la facilitation et le soutien de l’assistance technique du Partenariat EDIFIS, un premier atelier de travail régional réunissant les observatoires du genre d’Afrique francophone s’est tenu en mai 2025 en Côte d’Ivoire. L’objectif était de partager leurs bonnes pratiques et renforcer leurs capacités afin d’être en mesure d’assurer pleinement leurs rôles en matière de veille stratégique, de communication et de plaidoyer pour l’égalité de genre.